THÈSE DE DOCTORAT

 

Cristina ROMANO (Université IULM, Milan)

 

La représentation du paysage entre littérature et peinture dans les premières oeuvres de Chateaubriand

 

Thèse en cotutelle sous la direction du Prof. Aurelio Principato (Université IULM, Milan) et de la Prof. Béatrice Didier ( Université de Paris 8 et École Normale Supérieure (Paris).

 

Soutenance prévue: le 14 décembre 2006.

 

Notre recherche concerne la représentation du paysage dans les premières oeuvres de François René de Chateaubriand sur un corpus constitué par les Tableaux de la nature , l' Essai sur les révolutions , les deux romans Atala et René , le Génie du christianisme , le Voyage en Italie et le Voyage au Mont-Blanc . Nous avons confronté ces textes avec les réflexions qui sont contenues dans la Lettre sur l'art du dessin et dans la Lettre à M. Fontanes sur la campagne romaine .

 

Le travail s'articule autour de trois axes. Tout d'abord nous avons essayé de retracer les étapes des expériences visuelles du paysage de l'auteur : les expériences réelles (relatives à sa vie et surtout à ses voyages), littéraires et artistiques, les milieux que l'écrivain fréquentait, ses lectures, les expositions et les musées qu'il aurait pu visiter dans ses années de jeunesse (tant à Paris qu'en Angleterre, ainsi qu'à Rome lors de son séjour).

 

Dans notre deuxième partie, nous avons étudié les scènes descriptives pour repérer les sources d'inspiration de Chateaubriand sur la base de modèles établis: la pastorale, le sublime, le paysage italien, l'Amérique et la montagne. Les influences que nous avons décelées dans les sujets évoqués et dans les techniques descriptives utilisées sont multiples. La formation de l'auteur était foncièrement littéraire, et dans toutes les premières oeuvres sa vision de la nature est influencée par la poésie descriptive du XVIII e siècle. Les Tableaux de la nature , qui sont l'une des oeuvres les moins connues de l'auteur, nous montrent un Chateaubriand poète, qui d'un côté suit la vogue à la Delille, mais d'un autre recherche déjà un style personnel et une relation avec l'environnement complètement nouvelle. Le passage à la prose de l' Essai sur les révolutions est une première étape importante vers sa manière particulière de concevoir le paysage, orientée par Jean-Jacques Rousseau quant à la façon de vivre le contact avec la nature, par la touche pittoresque de Bernardin de Saint-Pierre pour ce qui est de la technique descriptive.

 

Toutefois, bien que Chateaubriand ait sûrement appris à décrire par le biais de la littérature plutôt que de la peinture, nous avons voulu mettre en évidence l'occurrence des mêmes thèmes et des mêmes techniques de représentation de la nature dans la peinture de paysage, à savoir dans un genre en plein essor. La lecture attentive des deux Lettres sur l'art du dessin et à M. Fontanes révèlent un écrivain qui n'était certes pas un historien de l'art, mais qui connaissait les débats artistiques de son époque (la question du paysage comme genre mineur, sa relation à la peinture historique, la peinture d'après nature) ainsi que, par exemple, la mode des petits cours et méthodes pour jeunes peintre désireux apprendre l'art du portrait et du paysage. Chateaubriand considère également en parallèle la peinture et la littérature: pour l'écrivain breton, décrire avec des mots ou avec un pinceau relèvent de la même activité conformément à l'équivalence établie entre les deux figures (de l'écrivain et du peintre).

 

Si, d'un coté, nous avons voulu montrer les influences de la tradition et des courants esthétiques contemporaines dans l'oeuvre de Chateaubriand, de l'autre nous avons voulu souligner l'originalité de ses techniques descriptives et la complexité de sa poétique du paysage: dans notre recherche sur les images et le langage de l'écrivain nous avons pu ainsi mettre en évidence comment l'espace devient la mesure primaire pour parler de la réalité. La vision purement documentariste étant presque inexistante dans les paysages de Chateaubriand, on a voulu souligner la façon dont le panorama, souvent vidé de toute objectivité, imprègne son esprit.

 

La fonction de la description dans les premières oeuvres constitue enfin notre dernier sujet d'enquête. Dans cette troisième partie, en nous inspirant des travaux de Philippe Hamon ( Du descriptif ) et de Jean-Michel Adam ( La description ), nous nous sommes éloignée d'une approche typiquement esthétique pour mettre en valeur surtout le sens que la description acquiert dans les textes en tant qu'acte littéraire. La délimitation du corpus nous a permis d'analyser tout de même la description dans différents contextes (l'essai, le récit fictionnel, le récit de voyage) et de comprendre la fonction et les enjeux qu'elle développe, notamment dans son rapport à la narration. Nous avons pris en considération de façon plus détaillée l' Essai sur les révolutions , première oeuvre en prose qui, au-delà du projet historique affiché, présente de nombreuses et intéressantes sections descriptives.