Habilitations à diriger des recherches portant sur F.R. de Chateaubriand

Fabienne BERCEGOL

 

Habilitation à diriger des recherches

Sous la direction de M. le Professeur Pierre Glaudes

 

De Chateaubriand à Stendhal :

Le romantisme au miroir de l'histoire et du romanesque

 

 

Le dossier présenté en vue de l'Habilitation à diriger des recherches rassemble, outre l'ouvrage issu de mon doctorat (La Poétique de Chateaubriand : le portrait dans les Mémoires d'outre-tombe , Champion, 1997), un recueil de vingt-neuf articles, un essai déjà publié (La Chartreuse de Parme ou la rêverie héroïque, Belin, 2001) ainsi que trois éditions également déjà publiées (Senancour, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, STFM, 1999 ; Stendhal, La Chartreuse de Parme, Flammarion, 2000 ; Senancour, Oberman, Flammarion, 2003). À cela s'ajoutent un manuscrit inédit de 477 pages consacré à la Poétique de la tentation : la passion dans les fictions de Chateaubriand, une étude des livres IX à XII des Mémoires d'outre-tombe à paraître très prochainement dans l'ouvrage collectif Penser l'Histoire coordonné par Marie-Christine Bellosta chez Belin, et une édition d'Atala et des « Notes et Critiques sur Atala » qui paraîtra également prochainement dans le cadre de la publication chez Champion, sous la direction de Béatrice Didier, des Œuvres complètes de Chateaubriand. Un document de synthèse, De Chateaubriand à Stendhal : le romantisme au miroir de l'histoire et du romanesque, présente l'ensemble de ces travaux, qui trouvent leur cohérence dans la double question de l'écriture et de la pensée de l'histoire, ainsi que dans la réflexion théorique sur la catégorie esthétique et éthique du romanesque.

 

Au gré des ouvrages et des articles consacrés, pour la plupart, à Chateaubriand, mais aussi à Tocqueville, j'ai cherché à dégager les principaux traits de la philosophie de l'histoire qu'élaborent ces auteurs mis au défi de comprendre le monde nouveau né de la Révolution et d'en prévoir le devenir. Cette réflexion s'est articulée notamment autour de leur examen critique de la notion de progrès héritée des Lumières, de leurs inquiétudes quant au devenir de la littérature dans la société révolutionnée et de l'image du grand écrivain qu'ils avaient contribué à forger. En parallèle avec ces travaux sur l'histoire des idées et des représentations, mes lectures de l'oeuvre de Chateaubriand ont orienté ma recherche sur la rhétorique et sur la poétique des genres de l'histoire, sur le genre des mémoires bien sûr, et plus précisément sur ses composantes essentielles que sont l'anecdote et le portrait, souvent de combat, sous la plume du « vicomte pamphlétaire ».

 

Les éditions des oeuvres de Senancour et de Stendhal que j'ai procurées ont été l'occasion de lancer une réflexion, poursuivie dans plusieurs articles, sur le concept du romanesque, sur ses composantes littéraires, sur son axiologie et sur les modalités de sa contestation dans l'histoire du roman. Ce travail a trouvé son aboutissement dans la rédaction d'un livre étudiant la mise en scène de la passion amoureuse dans les fictions de Chateaubriand, sous l'angle de leur poétique, de leur esthétique et de leur théologie. Partant de la perspective chrétienne dans laquelle Chateaubriand a souhaité installer son romanesque, j'ai montré qu'un tel parti l'obligeait à dépasser l'approche psychologique des passions pour privilégier leurs enjeux métaphysiques, dans le cadre d'une pensée religieuse de la condition humaine d'inspiration augustinienne, marquée par la théologie de la Chute et par la hantise du péché originel. Dans ce contexte d'obsession de la faute et de la perdition, la passion est « tentation », sollicitation du Mal, inclination à la transgression dans les violences de l'éros, mais aussi possible mouvement ascensionnel, une fois surmontée l'épreuve tragique du sacrifice du bonheur amoureux. Foncièrement ambivalents, les drames de l'amour-passion dans les fictions de Chateaubriand permettent ainsi de redécouvrir l'axiologie ambiguë du romanesque, et plus spécifiquement, la charge érotique de récits trop souvent taxés de mièvrerie ou de trop altière grandeur. Réactivant les topoï séculaires de la tradition romanesque, ces oeuvres en éclairent la dimension intertextuelle et écrivent au fil de ces reprises une page de l'histoire de la représentation littéraire de la passion amoureuse.