Thèse de Magalie Myoupo :  « La Sainteté en filigrane. »

Résumé par l'auteur de la thèse 

 

« La Sainteté en filigrane. Stratégies d’appropriation laïque du modèle hagiographique dans la prose du XIXe siècle »

 

Membres du jury: Paule Petitier (directrice de recherches), Olivier Bara, Claude Millet, Éléonore Reverzy et Jean-Marie Roulin. 

 

    Ce travail de recherche prend la forme d’une enquête sur un imaginaire récurrent tout au long du xixesiècle : celui d’une sainteté laïque. De nombreux textes, romanesques et historiographiques, font affleurer un personnage auquel ils donnent une dimension d’exemplarité particulièrement développée qui n’est pas exempte d’une transcendance réinventée. Si elle vise une finalité qui la dépasse, qu’elle ait pour nom « République », « art » ou « science », l’existence la plus humble peut accéder à une nouvelle forme de sainteté.

 

    La sainteté laïque qui réunit a priorideux notions inconciliables hérite de deux phénomènes. Elle relève en partie de la résurgence d’un catholicisme fort liée notamment à la Restauration. Ce mouvement a pour corollaire, dans le monde des lettres, le retour en grâce de la matière chrétienne, dont Génie du christianisme de Chateaubriand, publié en 1802, constitue la première manifestation. D’autre part, sa sécularisation est liée au mouvement de réaction contre l’Église catholique – et notamment la compagnie de Jésus – qui s’amorce dès les années 1840. Du romantisme social au naturalisme, de Michelet en passant par Sand, Sue, Lamartine, les Goncourt, Cladel et Zola, si les historiens et écrivains investissent l’imaginaire hagiographique, ce n’est plus pour célébrer l’Ancien Régime et la permanence de ses valeurs. Les premiers souhaitent diffuser, sous une forme connue, une nouvelle éducation polémique basée sur un principe d’émancipation et non plus d’imitation. Les seconds voient dans les séquences narratives et les motifs de l’hagiographie – particulièrement le martyre et l’ascèse – des occasions de revenir sur la condition économique et sociale du peuple. En un siècle de désenchantement, la resymbolisation moderne des structures narratives et des motifs hagiographiques questionne la nécessité persistante de l’imaginaire religieux pour faire communauté, ou, à l’inverse, pour dire les ruptures irrésorbables entre les classes.

 

    Avant de se consacrer à l’étude du devenir de cet imaginaire en dehors de sa terre d’origine, la première partie de cette thèse examine les évolutions qui, à l’intérieur même du cadre catholique, témoignent d’une sécularisation de cette matière. Intitulé « Sainteté biblique contre sainteté catholique, Vie de Rancéde Chateaubriand (1844) », le deuxième chapitre de ce travail tend ainsi à montrer que la sainteté traditionnelle – celle des saints catholiques – loin d’être privilégiée par Chateaubriand, est présentée comme un horizon possible de la vie du fondateur, puis mise à distance. En effet, l’écrivain lui préfère une sainteté que l’on pourrait qualifier de biblique. Le mystère et l’hermétisme du sacré ancien paraissent bien plus aptes que les légendes des saints à décrire un nouveau tabernacle : celui du cœur humain, aussi exemplaire soit-il.