Florent Bréchet

Le sublime dans les Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand

Première inscription en doctorat : septembre 2011

Thèse sous la direction de Jérôme Thélot

A l’Université Jean Moulin Lyon 3

 

    Le sublime est un axe majeur de l’œuvre de Chateaubriand. Plusieurs travaux ont ouvert la voie et montré la pertinence et la fécondité d'une telle problématique. Ils ont notamment souligné à juste raison l’influence déterminante de Burke et de Fénelon, étudiant les descriptions de tempêtes ou de grandes catastrophes (pour le sublime burkien) ou les passages bucoliques (pour le sublime fénelonien). Mais ce ne sont là que certains aspects du sublime chateaubrianesque. Celui-ci revêt bien d’autres formes, tant sur le plan stylistique que sur le plan thématique. Par exemple, son analyse du sublime biblique dans le Génie du christianisme rejoint en grande partie celle du pseudo-Longin. 

    Mais plutôt que de partir des définitions préexistantes du sublime, il faut avant tout relever les cas où Chateaubriand emploie lui-même le terme de « sublime » et ses dérivés, pour voir quel sens il donne à ce mot. Est-il toujours le même ? Est-ce que parfois Chateaubriand n’emploie pas ce terme comme un simple superlatif de « beau », comme c’était souvent le cas en France ? Ce relevé et cette étude des occurrences sont essentiels et doivent précéder une analyse des passages relevant de l’esthétique du sublime mais où le mot lui-même est absent, analyse qui ne peut évidemment pas être totalement rejetée. Alors seulement on pourra se demander si dans la conception qu’il a du sublime, Chateaubriand n’a pas été influencé par Burke, Longin, Fénelon et tant d’autres, et surtout dans quelle mesure il forge une définition du sublime qui lui est propre.

    De plus, il faut avoir une approche diversifiée, en ce sens qu’il ne faut pas se cantonner à une approche esthétique et/ou spirituelle de la notion, mais introduire les champs de la politique, de la rhétorique, de la morale et de la philosophie. Car le sublime ne concerne pas seulement les paysages. Il peut également être le propre des personnes. Il se définit alors comme ce qui caractérise les « natures supérieures » ou les « âmes ardentes » comme dit Chateaubriand, qui emploie également très souvent le terme de « génies ». Dans le domaine politique, il faut alors interroger la représentation des grands personnages historiques, comme les chefs révolutionnaires, les membres de la famille royale et bien sûr Napoléon, pour voir dans quelle mesure le sublime intervient, ou n’intervient pas, dans la manière qu’a Chateaubriand de les décrire.

    Enfin, en plus d’une approche interdisciplinaire et d’une approche interséculaire de la notion de sublime, nécessaires pour ressaisir son évolution et sa richesse, il faut avoir une approche évolutive de l’œuvre de Chateaubriand. Car sa vision du sublime n’a cessé d’évoluer. Dans l'étude que nous nous proposons de faire sur le sublime dans les Mémoires d'outre-tombe, notre principale question sera de voir dans quelle mesure le mémorialiste a pu parvenir à une définition du sublime qui serait la sienne, et non plus celle de Burke ou de Fénelon.  De plus, il n'y a pas un sublime chez Chateaubriand, mais plusieurs. Nous nous proposons donc de voir quels sont ces derniers, de quelles manières ils sont présents dans l'énoncé des Mémoires. Il faudra aussi s'attacher à l'étude du sublime de l'énonciation, pour voir en quoi la posture narrative qu'adopte Chateaubriand quand il se fait mémorialiste est une posture sublime, et comment cela influe sur l'écriture même de l'ouvrage.